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Liberté d’expression et petites gênes

La déclaration du droit à la liberté d’expression est sur toutes les lèvres depuis que la tragédie s’est abattue sur les messagers de Charlie Hebdo. Avoir droit à l’expression de ses opinions sans en être inquiété, tel que qualifié par l’O.N.U en 1948, est une volonté réaffirmée par des manifestations de tous ordres sur la place publique. Cette réappropriation d’un droit fondamental universel exprime le désir de sauvegarder la démocratie et les rapports libres et volontaires des individus en société. Il s’agit également de réaffirmer l’importance de la prise de parole comme condition humaine. Mais qu’en est-il en coulisse, derrière les lumières de la Cité et dans l’intimité de nos foyers ? Le droit à la liberté d’expression perd-t-il de sa légitimité dans les relations privées ? Combien d’individus peuvent jouir d’une libre expression culturelle, politique et religieuse au sein de leur cercle d’amis, de leur famille et de leur couple ; le tout sans en être inquiété.

Pouvons-nous exprimer sans crainte nos convictions religieuses à nos proches quand celles-ci différent fondamentalement des leurs. Si nous pensons que les allégeances politiques de nos frères et sœurs sont viscéralement contraires aux nôtres, allons-nous en débattre librement et sans inquiétude. Quand notre amoureux exprime des valeurs culturelles qui s’opposent à notre éducation, exerçons-nous de concert avec lui une liberté d’expression dénuée d’appréhension à ce sujet ? À la lumière de ce que j’entends invariablement dans ma pratique clinique, je constate plutôt que la liberté d’expression est une chose qui s’exerce difficilement dans l’intimité de nos foyers. Le degré naturel d’inquiétude qui accompagne généralement les risques de conflits avec nos proches fait office d’une réelle censure.

Ce qui précède pourrait être considéré comme des banalités en regard de l’importance du débat actuel sur la liberté d’expression en démocratie. Il est déjà convenu par la plupart d’entre nous de conserver « une petite gêne » au cours des soupers avec la belle-famille ou des 5 à 7 avec les collègues. Nos parlementaires n’ont-ils pas eux-mêmes dressé une liste d’expressions proscrites dans leurs Assemblées ? Par ailleurs, plusieurs personnes confient aisément avoir établi en fratrie une série de sujets tabous pour éviter l’éclatement de querelles autour de la dinde de Noël. Soit. Cela se comprend et peut d’autant se défendre qu’il s’agit de consensus et, d’une certaine manière, d’un exercice démocratique. Mais partant de là, comment s’y retrouver entre la sensibilisation à « la petite gène » dans son clan et la sensibilisation au respect du droit à la libre expression sans en être inquiété.

Les enfants apprennent très tôt que certaines choses peuvent être dites dans l’intimité. Ils appellent ça des secrets, nous des confidences. Puis, entre en scène l’apprentissage de la gestion des conflits et la notion de « la petite gêne » s’apprivoise : « Tu ne devrais pas dire ça à ton ami ! » Généralement, cette étape de socialisation est beaucoup plus laborieuse pour l’enfant car elle devient synonyme de contradiction avec sa notion de secrets entre intimes. À ce moment, il devra résoudre la contradiction en traçant des cercles d’intimité plus étroits et en intégrant l’idée d’une liberté d’expression qui varie en fonction du degré de proximité avec les gens. Néanmoins, le véritable défi de communication commencera quand il lui faudra comprendre et respecter le droit universel à la libre expression. Il venait d’intégrer qu’il était nécessaire de taire ceci cela, ici et là, pour éviter d’heurter son clan et ses intimes. Soudainement, le voilà en droit de tout exprimer sans s’en inquiéter !

On peut comprendre qu’un enfant puisse connaître des difficultés d’adaptation entre l’éducation qui censure son expression de petites gênes et celle qui prône le respect du droit à la libre expression. Tout cela peut s’avérer bien compliqué pour un citoyen en devenir. De nombreux glissements sémantiques peuvent se produire en cours d’apprentissage et avoir des effets pervers de toutes sortes. Il faut donc que les agents de réflexion soient suffisamment attentifs et porteurs pour dissiper les paradoxes. Car un enfant laissé à lui-même face à cette épineuse question pourrait finir par penser qu’il faut éviter de tout dire pour la paix du clan et avoir parfois une petite gêne, mais qu’envers des étrangers, on a droit à la libre expression sans en être inquiété.

Eugénelle Fortin, M.Ps., Psychologue

Guide de la psychothérapie

Une définition générale 

La psychothérapie est une intervention spécialisée offerte par un professionnel accrédité pour traiter des malaises de nature psychologique, au même titre qu’une intervention médicale vise à traiter des malaises de nature physique.

Une psychothérapie est un traitement qui dure nécessairement un certain temps. Il s’agit donc d’une intervention qui prend la forme d’un suivi professionnel et non d’une simple consultation pour obtenir quelques conseils au cours d’un rendez-vous.

Quand consulter

Une psychothérapie devrait être envisagée lorsque la vie devient difficile et que sa qualité se détériore malgré le soutien de l’entourage.

Fréquence des rendez-vous

Le suivi psychothérapeutique se fait généralement à raison d’une séance de 45 minutes par semaine en consultation individuelle et à raison de 50 minutes pour les séances de couple ou familiale.

Si les difficultés sont majeures et que l’inconfort est intense, il est parfois recommandé que les séances soient plus fréquentes au début du suivi (ex. : 2 séances/semaine) pour ensuite prendre le rythme régulier d’une séance par semaine. À l’inverse, lorsque les difficultés s’atténuent et qu’un mieux-être s’installe, il est parfois recommandé de diminuer la fréquence des séances et de les espacer graduellement avant la fin du suivi.

Pour des raisons financières, certaines personnes souhaitent que leur psychothérapie se déploie à raison d’une séance aux 15 jours ou plus. Cette option est envisageable mais elle est rarement recommandée dès les premières semaines du suivi. Les effets positifs de la psychothérapie peuvent être atténués, retardés ou compromis, si le rythme des séances n’est pas adapté au motif de consultation. Dans tous les cas, il est important d’évaluer la situation afin de prendre une décision éclairée.

Durée de la psychothérapie

La durée des psychothérapies est aussi variée que les individus qui consultent et leurs motifs de consultation. Cependant, la durée d’une psychothérapie se situe généralement entre 3 et 18 mois. Des facteurs comme l’intensité des difficultés, les attentes envers la psychothérapie et la personnalité des individus influencent beaucoup la durée du traitement.

Les frais d’une psychothérapie

Les frais d’une psychothérapie varient en fonction des années d’expérience du psychologue. Par ailleurs, il faut généralement s’attendre à devoir débourser des frais pour des séances prévues à l’agenda et annulées par le client. De nombreuses considérations justifient cette pratique, dont le fait que l’espace-temps réservé pour votre psychothérapie vous est exclusivement assigné et que le psychologue ne peut l’utiliser à d’autres fins. Pour un complément d’informations, nous vous référons à la page des honoraires sur ce site.

Informations supplémentaires 

Pour de plus amples informations, nous vous suggérons de consulter une brochure publiée par l’Ordre des psychologues du Québec : La psychothérapie : Se poser les bonnes questions.

Ce que vous devez savoir 

Au Québec, depuis juin 2012, seuls les psychologues et certains autres professionnels ont le droit d’exercer la psychothérapie. Ce type de traitement est désormais encadré par la loi 21 et devient une activité professionnelle encadrée au même titre que la pratique de la médecine. Nous vous encourageons à consulter ce bottin pour connaître les professionnels légalement autorisés à offrir des services de psychothérapie.

© Eugénelle Fortin, M.Ps., Psychologue

N.B. Il est intéressant de connaître le point de vue d’Eugénelle Fortin, psychologue, sur l’avènement de la La loi 21 et la protection du public en regard des populations vulnérables (Éditorial : loi 21).

L’avènement de la Loi 21

Il n’y a pas si longtemps, tous et chacun pouvaient proposer en toute légitimité un traitement psychothérapeutique à ceux qui souffraient de malaises psychiques. Il faut dire que le libertarisme hérité du Nouvel Âge n’était guère propice à l’étayage de la loi 21. Bien au contraire. C’était l’époque où l’expérience personnelle d’une toxicomanie affranchie se comparaît aux acquis d’un baccalauréat pour accéder à une fonction d’intervenant dans le champ des dépendances.

Libre-marché psychothérapeutique

Au cœur des années 80, l’abandon des paradigmes asilaires, lai désinstitutionnalisation et la montée du mouvement communautaire sculptaient de mains assurées les contours d’un libre marché psychothérapeutique. Faute de transfert de ressources, malgré l’exode de la psychiatrie et le déplacement de l’idéal thérapeutique vers la communauté, des organismes à but non lucratif s’organisaient avec les moyens du bord pour offrir des services à ceux qui venaient déposer leur souffrance in situ. Tandis que les uns souhaitaient des alternatives à la psychiatrie et que les autres – jadis sous couvert – adressaient énigmes et symptômes dans la collectivité, des citoyens s’improvisaient intervenants de première ligne. Animés d’humanisme, ils fondaient des refuges à l’angoisse, des activités d’entraide pour le partage du mal de vivre et des espaces de paroles où l’on pratiquait de bonne foi l’écoute active.

Stimulés par l’expérience du communautaire, de nombreux aidants naturels s’orientèrent vers une carrière de psychothérapeute sans emprunter le traditionnel parcours des psychologues. Rien d’illégitime pour notre société d’avant l’an 2000. Quoique la profession ait acquis de la reconnaissance au Québec avec la publication du premier Code de déontologie des psychologues en 1983, la pratique de la psychothérapie demeurait l’affaire de tous. D’une part, l’antipsychiatrie avait renforcé les rapports libres et volontaires entre la population et les dispensateurs de services cliniques. D’autre part, en érigeant en totem l’expression du vécu, une étrange dérive de la psychanalyse en Amérique du Nord avait fini par engendrer le mythe d’un traitement psychothérapeutique d’une étonnante simplicité. Ainsi, il suffisait que le vécu soit exprimé pour garantir l’issue de la problématique. On imaginait de là une fonction de psychothérapeute qui n’avait paradoxalement rien de sorcier. L’intervenant n’avait qu’à manier des techniques d’écoute active pour que les sujets voient leur vécu se transformer par une élémentaire équation de bouche à oreille.

Un changement de cap

Le nouveau millénaire réintroduit en force le débat sur le partage des compétences entre les institutions du réseau de la santé et des services sociaux et les alternatives communautaires ou privées. De fait, plusieurs acteurs auront œuvré à ce que soit socialement reformulée la question de la légitimité du dispensateur de services de santé mentale. À ce titre, bien sûr, l’Ordre des psychologues, mais parallèlement, l’Association d’intervention des groupes en défense de droits en santé mentale au Québec[1]. En principale intéressée, l’AGIDD-SMQ aura tenu un rôle clef pour orienter le législateur vers les prémisses du projet de loi 21. Témoins directs des écueils de services de santé mentale sans gouvernail et principales victimes des dérapages psychothérapeutiques, des milliers d’usagers auront pris d’assaut toutes les plates-formes politiques pour dénoncer des traitements abusifs et revendiquer leurs droits fondamentaux. C’est ainsi qu’en manifestant pour le droit au respect de l’intégrité physique et psychologique des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale, l’AGIDD-SMQ aura par ricochet remis en question le libre-marché psychothérapeutique et l’absence de structure offrant systématiquement des recours contre les pratiques préjudiciables.

La société a donc été appelée à reconsidérer le bien-fondé des rapports entièrement libres et volontaires entre clientèles vulnérables et dispensateurs de services psychothérapeutiques. D’autant que le message de l’AGIDD-SMQ était soutenu par d’autres voix, dont celle des médias de plus en plus sollicitée pour dénoncer publiquement les effets morbides de certaines pratiques psychothérapeutiques sans filet. En audience, l’ensemble aura suffisamment fait pression sur la dénégation pour inciter l’émergence d’une conception de la morale au profit de ceux qui avaient véritablement besoin d’assistance.

Le devoir de protection du public est redevenu le centre des préoccupations en matière de services de santé mentale. La reformulation de la légitimité de pratique psychothérapeutique en termes légaux depuis le 21 juin dernier en découle. L’unique réserve du titre de psychologue – trop souvent confondu avec le titre de psychothérapeute – n’était pas une assurance de compétence à qui allait confier son vécu en psychothérapie. D’ailleurs, ce n’était pas tant le titre du dispensateur de service qui posait un problème de droit fondamental à la société et un problème de recours à l’AGIDD-SMQ, c’était l’exercice tous azimuts de la psychothérapie.

Au nom de la liberté individuelle, on ne pouvait continuer à ignorer les lacunes du système de la santé au niveau de la protection du public. En traçant des frontières légales à la légitimité d’exercice dans le champ de la psychothérapie, le législateur a généré de nouvelles conditions d’éthique dans les relations humaines. En effet, l’encadrement légal devient ici un référent supplémentaire à la réflexion avant que des gestes cliniques soient posés à l’égard d’une personne vulnérable. Malgré que l’expérience personnelle des intervenants puisse continuer à être valorisée à l’exemple d’une psychanalyse, un questionnement sur l’objectivité des compétences et sur l’ensemble des curriculum vitae vient d’être prescrit. Pour être légitime, l’offre psychothérapeutique devra s’inscrire dans la légalité. Ce qui était moralement justifié au XXe siècle ne l’est plus. La parole des personnes vivant ou ayant vécu un problème de santé mentale a été entendue.

© Cet éditorial a été rédigé par votre psychologue, Eugénelle Fortin, M.Ps.

[1]AGIDD-SMQ : www.agidd.org